Et si c’était le numérique qui s’adaptait à l’homme (et non l’inverse) ?

Progrès pour l’humanité tout entière, promesse de mieux-être et de mieux-vivre, la transformation numérique s’est subrepticement muée en une injonction à se soumettre à un nouvel ordre, à ses processus, ses codes et ses algorithmes. Ainsi, pour exercer sa citoyenneté ou, a minima, participer à la vie de la Cité en accomplissant des actes simples d’une vie quotidienne chaque jour un peu plus numérisée, il faut dorénavant « être inclus » numériquement.

Point de salut pour celui qui s’éloigne de son smartphone ou, pire, ne parvient pas ou n’a simplement pas le désir, d’en maîtriser l’usage !

Faisant sienne la célèbre pensée d’Aristote qui déclarait au 3ème siècle avant JC « le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous », la collectivité, pour combattre cette forme nouvelle d’exclusion, a fait de la lutte contre l’« illectronisme » une priorité.

Pour favoriser ce qu’elle a baptisée l’« inclusion numérique », la collectivité n’a ménagé ni ses efforts, ni ses moyens, en particulier avec la mise en place de programmes nationaux jusque dans les écoles et auprès des populations en difficulté. C’est ainsi que de nombreux acteurs et autres travailleurs sociaux ont été formés et mobilisés pour venir en aide aux populations « éloignées du numérique » dans le cadre de tout aussi nombreux dispositifs de soutien et de médiation. La multiplication de ces dispositifs et leur coût posent aujourd’hui la question de leur mise en cohérence, de leur gouvernance et de la pérennisation de leur financement. Mais ne serait-il pas plus efficace, plus simple et moins coûteux, d’exiger que l’offre de services numériques, qu’ils soient publics ou privés, soit à la portée de tous ? Ce que savent parfaitement faire les grandes plateformes et les réseaux sociaux pour séduire et fidéliser le plus grand nombre d’utilisateurs, l’administration ne pourrait-elle pas aussi le faire ? Et, dans le même esprit, alors que l’on sait utiliser les algorithmes pour vendre plus et mieux, voire vendre des produits à des gens qui n’en ont pas besoin, ne peut-on pas mettre cette science mathématique au service des plus fragiles ?

Avec le développement de la doxa de l’inclusion numérique, on a oublié que le numérique était un outil au service de l’homme et non l’inverse. Plus encore, l’innovation numérique Aussi, et de toute évidence, l’urgence n’est plus tant de dématérialiser, ni de désintermédier, mais de s’adapter à chaque utilisateur afin que le numérique ne soit plus un problème mais devienne la solution. La technologie en a aujourd’hui la capacité, peut-être ne manque-t-il que la volonté de faire ?

Jacques MARCEAU

Président d’Aromates

Co-fondateur des Assises de la Cohésion Numérique et Territoriale